Professionnels du domicile : comment améliorer la communication avec l’hôpital ?

Sortie le vendredi soir, aucune info de transmission, ordonnance illisible, matériel manquant. L’infirmier libéral reçoit un appel de la famille : “On nous a dit que vous saviez tout.” Mais non. Personne n’a appelé. Rien n’a été transmis. Et vous voilà à tenter de recoller les morceaux en urgence, seul·e, entre deux patients, à 19h, sans interlocuteur hospitalier disponible.

Cette situation, on ne l’invente pas. Elle arrive. Souvent. Trop souvent. Et elle illustre ce gouffre de communication qui existe encore entre l’hôpital et les professionnels du domicile. Que ce soit pour les infirmiers, les aides à domicile, les prestataires ou les médecins traitants, le relais post-hospitalisation est souvent un saut dans le vide.

Et pourtant, on le sait : une sortie bien préparée, c’est un soin qui commence bien. Une info bien transmise, c’est un soin qui se fait au bon moment, avec les bons outils. Alors, comment améliorer la coordination ? Quelles astuces du terrain peuvent aider à rendre tout ça un peu plus fluide, un peu moins frustrant ?

On ne changera pas le système d’un coup. Mais on peut partager des réflexes utiles, des retours d’expérience, et quelques bons tuyaux qui font vraiment la différence.

Communication professionnels domicile et hôpital

Pourquoi la communication entre l’hôpital et les pros du domicile coince ?

Des rythmes et des logiques différentes

L’hôpital fonctionne à flux tendu. Le domicile, lui, repose sur des tournées fixes, une gestion autonome, et une organisation millimétrée. Ces deux mondes se croisent… sans toujours se comprendre.

Un exemple ? Un patient est prêt à sortir à 17h le vendredi. L’équipe hospitalière veut libérer un lit. L’ordonnance est griffonnée à la hâte, parfois sans le matériel prescrit, parfois sans la posologie claire. Côté domicile, l’infirmier·e est déjà en soins ou a terminé sa journée. Il faut improviser, rappeler, insister. Résultat : des soins retardés, du stress pour tout le monde, et un sentiment d’abandon.

Une absence de référent clair côté hôpital

Combien d’infirmiers libéraux peuvent dire : “J’ai eu un médecin de l’hôpital au téléphone” ? Rares sont les cas où un contact direct est possible. Les services changent, les soignants aussi, et les numéros ne sont pas partagés. Le plus souvent, on tombe sur un standard, ou une secrétaire débordée.

C’est d’autant plus frustrant que l’infirmier libéral est en première ligne. C’est lui qui constatera les oublis, les erreurs, les manques. Mais c’est aussi lui qui doit “se débrouiller”, seul·e, sans relais clair pour ajuster une prescription ou obtenir un complément d’info.

Des outils encore trop cloisonnés

DMP, messageries sécurisées, logiciels hospitaliers, applications de coordination… sur le papier, les outils existent. Mais dans les faits ? Peu de passerelles, peu de formations, et beaucoup d’acteurs qui ne les utilisent pas.

L’interopérabilité reste un vœu pieux. Et tant que chaque structure utilise son propre système fermé, sans accès extérieur, les transmissions fluides resteront l’exception.

Quelles sont les situations les plus à risque en sortie d’hospitalisation ?

La sortie précipitée du vendredi soir

C’est le grand classique. Le patient est prêt à sortir, l’hôpital veut libérer un lit pour le week-end… mais côté domicile, rien n’est prêt. Le prestataire de santé à domicile (PSAD) n’a pas été contacté à temps, l’ordonnance est incomplète, et l’infirmier·e libéral·e découvre la situation en arrivant le samedi matin, sans matériel ni protocole précis.

Conséquences :

  • Risque de rupture de soins.
  • Charge mentale pour le soignant libéral, qui doit tout rattraper dans l’urgence.
  • Mise en danger du patient (pas d’anticoagulant disponible, pansements non conformes, etc.).

Les ordonnances incomplètes ou mal formulées

Un traitement injectable est prescrit, mais sans posologie claire. Un pansement complexe est demandé, mais sans protocole précis. Il arrive même que le patient sorte avec… l’ancienne ordonnance du séjour précédent.

Et là, c’est l’infirmier·e libéral·e qui fait le travail de coordination, en appelant la pharmacie, le médecin traitant, voire le service hospitalier (avec une chance sur deux de tomber sur la messagerie vocale).

L’absence de matériel prescrit

Un lit médicalisé, un pousse-seringue, une sonde, un pansement spécifique… Tout ça doit être anticipé. Mais parfois, l’hôpital oublie, ou suppose que “le patient s’en chargera”. Sauf que le patient ne sait pas. Et les familles sont dépassées.

Résultat :

  • Le soin est repoussé.
  • L’infirmier·e doit contacter un prestataire dans l’urgence.
  • Il faut bricoler ou faire sans, avec les risques que cela comporte.

Les transmissions orales… ou absentes

Le courrier de sortie est “en cours”, les informations sont données à l’oral, et le patient repart avec une valise… mais sans plan de soins. Le professionnel du domicile découvre les infos au compte-gouttes, et reconstitue le puzzle en urgence, parfois avec des erreurs à la clé.

Comment anticiper et mieux communiquer malgré tout ?

Exploiter tous les canaux disponibles (même imparfaits)

On aimerait un système fluide, intégré, avec des dossiers partagés et des protocoles automatiques. Mais en attendant… on fait avec ce qu’on a. Et parfois, ça veut dire multiplier les canaux, quitte à être redondant.

  • Le téléphone reste une arme précieuse, surtout quand on a le numéro direct du service ou d’un soignant hospitalier repéré (ne pas hésiter à créer un petit répertoire personnel avec les contacts utiles).
  • La messagerie sécurisée de santé est sous-utilisée mais peut vraiment faire la différence : certains hôpitaux l’utilisent, surtout pour transmettre les ordonnances et comptes rendus.
  • Le DMP (Dossier Médical Partagé), quand il est mis à jour, permet d’accéder à certaines infos, mais c’est encore très inégal selon les régions et les établissements.

S’appuyer sur les prestataires de santé à domicile (PSAD)

Trop souvent, on pense aux PSAD uniquement pour livrer un lit ou une perfusion. Mais ils peuvent aussi être un vrai pont entre l’hôpital et le domicile.
Ils reçoivent parfois les prescriptions en amont, connaissent les dispositifs en place, et peuvent vous alerter si quelque chose cloche.

Certains prestataires disposent même d’un coordinateur dédié aux sorties, avec qui il est possible d’échanger en direct. N’hésitez pas à les appeler, même si ce n’est “pas encore leur patient” : mieux vaut prévenir que courir.

Collaborer avec les autres professionnels du domicile

L’infirmier·e libéral·e est souvent en première ligne… mais il·elle n’est pas seul·e. Si un·e aide à domicile, un·e kiné, un·e médecin généraliste intervient aussi, il faut mettre en place une mini-coordination locale, ne serait-ce que pour éviter les doublons ou les oublis.

Créer un groupe WhatsApp sécurisé, un document partagé sur un cloud santé, ou juste un carnet de liaison chez le patient… Ce sont de petits outils, mais qui fluidifient énormément les choses.

Et si possible… anticiper en amont

Quand le patient est hospitalisé, il ne faut pas hésiter à appeler le service dès qu’on sait qu’il y aura un retour à domicile. Présentez-vous, demandez s’il y a déjà une date de sortie, vérifiez les prescriptions prévues.

Oui, ça prend du temps. Mais ça peut éviter des heures de rattrapage ensuite.

Repenser les sorties d’hospitalisation comme des temps de soin à part entière

Aujourd’hui, la sortie est encore trop souvent vue comme un “au revoir”, une fin de prise en charge. Alors qu’en réalité, c’est le début d’autre chose, tout aussi médicalisé, mais beaucoup plus diffus.
On sort de l’hôpital, mais pas du parcours de soins. Et ça, il faut que les structures l’intègrent pleinement. Il faudrait des protocoles clairs, des outils de transmission systématiques, et surtout… du temps.

Ce que beaucoup de professionnels demandent ?
Un appel. Un mail. Un résumé écrit. Un temps d’échange, même court, pour transmettre l’essentiel. Ce n’est pas sorcier. C’est juste vital.

Former les soignants à la coordination ville-hôpital

Tout le monde ne sait pas comment fonctionne une sortie en HAD. Ou ce que fait concrètement une IDEL. Ni quelles sont les obligations d’un prestataire.
Et ce n’est pas une question de mauvaise volonté. C’est juste qu’on ne nous forme pas assez à travailler ensemble.

Un stage de coordination. Une immersion en structure de soins à domicile. Une simple rencontre entre équipes. Ce sont des choses qui changent tout sur le terrain. Et qui évitent bien des tensions inutiles.

Créer (enfin) des outils numériques utiles et partagés

Le dossier patient unique interopérable, c’est le serpent de mer du secteur.
Mais il y a déjà des solutions qui existent, parfois locales, parfois sectorielles. Des applis de transmission, des plateformes sécurisées… qui ne demandent qu’à être utilisées, ou à être généralisées.

Ce n’est pas la technologie qui manque, c’est la volonté politique et la simplification des accès.

Conclusion

Il ne s’agit pas d’accuser l’hôpital ou de glorifier les libéraux. Juste de dire ce que vivent des milliers de soignants chaque semaine : des patients qui rentrent chez eux avec des trous dans leur prise en charge, des infos manquantes, des prescriptions incomplètes… et un système où chacun fait ce qu’il peut, mais trop souvent seul.

La coordination entre ville et hôpital, ce n’est pas un luxe : c’est un levier pour des soins plus humains, plus sûrs, plus efficaces. Et pour ça, on a besoin de se parler, de se relier, de créer des ponts. Même improvisés. Même artisanaux.

À tous ceux qui bricolent chaque jour des solutions pour que leurs patients ne tombent pas entre les mailles du filet : vous êtes les garants d’une chaîne invisible, mais essentielle. Et tant que le système ne le reconnaît pas pleinement, c’est à nous de continuer à inventer, à transmettre, à connecter. En espérant qu’un jour, on nous donne les bons outils.

❓ FAQ – Mieux communiquer entre hôpital et domicile

Quels sont les problèmes les plus fréquents lors des retours à domicile ?

Sortie le vendredi sans relais possible, ordonnances incomplètes, matériel manquant, absence d’informations sur le contexte du patient, etc.

Pourquoi les infirmiers à domicile se sentent-ils souvent isolés ?

Ils arrivent dans un domicile sans avoir participé au séjour hospitalier, sans contact direct avec les prescripteurs, et doivent pourtant assurer la continuité des soins dans l’urgence

Quels outils peuvent améliorer la communication ?

Applications de transmission sécurisée, plateformes de coordination, messagerie de santé, groupes locaux entre professionnels, dossiers partagés (quand ils fonctionnent…).

Que peut-on faire concrètement quand il n’y a aucune info à la sortie ?

Contacter directement le service hospitalier, activer le réseau local (PSAD, pharmacie, médecin traitant, SSIAD…), recouper les infos disponibles et prioriser la sécurité immédiate.

Qui peut initier une meilleure coordination ?

Tout le monde. Un appel d’une infirmière libérale. Un cadre de santé qui transmet un numéro. Un prestataire qui fait le lien. Chaque initiative compte.

Retour en haut