Des métiers de l’ombre, il y en a des tas. Mais l’infirmier en HAD (hospitalisation à domicile), c’est probablement l’un des plus paradoxaux. Ni en service hospitalier, ni vraiment libéral, il navigue entre les deux mondes. Pas de couloir bondé, pas de bip incessant des urgences, mais des domiciles parfois minuscules, des familles inquiètes, et des soins lourds à assurer.
Parce que quand madame Durand sort d’oncologie avec une chimio à poursuivre chez elle, il faut que quelqu’un soit là. Pas pour “juste vérifier”, mais pour réaliser des soins techniques parfois dignes d’un service hospitalier. Et ce quelqu’un, c’est lui : l’infirmier HAD. Celui qui soigne, rassure, coordonne… sans blouse immaculée, mais avec une sacoche pleine de matériel et un mental en béton.

Le métier d’infirmier en HAD : l’hôpital qui se déplace
Difficile d’expliquer à vos proches :
« Je suis infirmier, mais pas en service. J’ai des patients chroniques, mais je ne suis pas libéral. Je fais de la chimio, de la perfusion, de la surveillance post-op… mais dans un salon ou une chambre à coucher. »
C’est ça, l’HAD : amener l’hôpital chez le patient. Les soins techniques restent hospitaliers (perfusion centrale, nutrition, pansements complexes, transfusions), mais le cadre, c’est le domicile. Et ça change tout : pas de lit médicalisé standardisé, mais des canapés trop bas, des cuisines transformées en pharmacies, des chambres partagées avec un chat curieux.
HAD vs PSAD : deux métiers différents
Souvent confondu, le rôle de l’infirmier HAD n’a rien à voir avec celui d’un infirmier PSAD.
- Le PSAD ne réalise pas les soins. Il installe, forme, accompagne, sécurise le matériel (pompes, poches, oxygène). Il est “l’huile dans les rouages”.
- L’HAD, au contraire, c’est du soin direct. L’infirmier pose la perfusion, fait les pansements complexes, surveille les paramètres vitaux, gère les complications.
En clair : le PSAD rend possible le soin à domicile, l’HAD réalise le soin. Deux métiers complémentaires, mais pas interchangeables.
Le lien avec les IDE libéraux et le médecin traitant
L’infirmier HAD ne travaille jamais seul. Sa force, c’est l’équipe autour :
- Le médecin traitant reste le référent médical, celui qui connaît le patient au quotidien.
- L’IDE libéral du secteur peut intervenir dans la réalisation des soins courants, selon les organisations locales.
- Le médecin hospitalier supervise les traitements complexes (oncologie, infectieux, post-op).
Dans certains cas, c’est l’infirmier HAD lui-même qui effectue tous les soins techniques. Dans d’autres, il organise, contrôle, délègue à l’IDEL, puis revient pour vérifier. L’essentiel, c’est la continuité et la qualité des soins.
Est-ce que l’infirmier HAD fait systématiquement les soins ?
Pas toujours. Et c’est là toute la subtilité.
- Pour un traitement très spécifique (chimio, transfusion, pansement lourd), l’IDE HAD réalise directement le soin.
- Pour des actes plus courants (injections, surveillance simple), le relais peut être confié à l’IDE libéral, avec un suivi par l’HAD.
L’important, c’est que le patient reste dans le cadre sécurisé de l’HAD : matériel stérile, traçabilité, coordination médicale. L’infirmier HAD garde la responsabilité, même s’il n’a pas posé chaque seringue lui-même.
Coordination HAD : entre médecins, IDEL et familles
Un soin en HAD, ce n’est jamais “juste” un passage. C’est tout un dispositif : le médecin hospitalier prescrit, l’IDE HAD applique, le médecin traitant supervise, la famille participe malgré elle. Vous êtes le lien entre ces mondes.
Votre journée ? Un patient en pansement complexe le matin, une surveillance de chimio l’après-midi, une visite de coordination avec un kiné le soir. Entre deux, des appels : « L’aiguille du Picc-line bouge, on fait quoi ? » ou « Le pansement est taché, est-ce normal ? ».
Dans ce rôle, vous êtes aussi psychologue, traducteur médical, parfois médiateur. Parce que le domicile, c’est l’intimité des patients. Et il faut y entrer avec respect et pédagogie.
Les infirmiers coordinateurs en HAD : le maillon clé de l’organisation
Dans chaque service d’HAD, il existe un rôle spécifique : celui de l’infirmier coordinateur (IDEC). Ce professionnel ne réalise pas directement les soins au domicile, mais il organise et supervise l’ensemble de la prise en charge.
C’est lui qui évalue le patient à l’admission, qui planifie les passages, qui fait le lien entre l’infirmier HAD, l’IDE libéral, le médecin traitant, et le spécialiste hospitalier. L’IDEC, c’est un peu le “chef d’orchestre” de l’HAD : il ne joue pas de violon, mais sans lui, la symphonie est impossible.
Son rôle est aussi stratégique : il s’assure que les protocoles sont réalisables dans le cadre du domicile, qu’il y a suffisamment de ressources humaines et matérielles, et que les familles sont correctement informées. En cas de problème, c’est souvent vers lui que les soignants du terrain se tournent.
Bref, l’infirmier coordinateur HAD est l’interface indispensable qui permet aux soins de se dérouler sans chaos, avec une vraie continuité et une sécurité renforcée.
Matériel HAD : votre hôpital portatif
Votre voiture est une annexe de l’hôpital. Pompes, seringues, kits de perfusion, pansements stériles, protections… Vous devez tout avoir “au cas où”. Parce qu’en HAD, si ça manque, vous n’avez pas un service logistique derrière vous.
Mais au-delà du matériel, c’est la rigueur qui compte : asepsie stricte dans une maison pas toujours adaptée, gestion des déchets médicaux, traçabilité des actes. Vous êtes seul, mais vous devez travailler comme si vous étiez dans une chambre hospitalière sous les yeux du cadre de santé.
Le rôle humain : soigner chez soi, c’est différent
Un soin hospitalier dans une chambre impersonnelle, ce n’est pas la même chose qu’un soin dans le salon familial. Les patients en HAD sont fragiles, souvent lourds, parfois en soins palliatifs. Vous êtes au cœur de leur quotidien, au milieu des photos de famille, du chien qui aboie, du parfum de café dans la cuisine.
Vous devez composer avec l’émotionnel : un mari qui pleure, une fille qui culpabilise, un patient qui refuse une injection parce qu’il “ne veut pas embêter”. L’infirmier HAD ne fait pas que des soins : il accompagne, il écoute, il humanise des traitements lourds.
Formation et salaire de l’infirmier HAD
Pour exercer, il faut être infirmier diplômé d’État. Pas de spécialisation obligatoire, mais une solide expérience en service technique (oncologie, réanimation, médecine interne) est souvent demandée. Ensuite, la formation se fait sur le terrain, avec des doublures et de la formation continue.
Côté salaire : environ 2 000 à 2 600 € net par mois selon ancienneté et région, plus des indemnités de déplacement. Les horaires sont souvent en journée, avec parfois des astreintes de week-end selon les structures. C’est moins payé que le libéral, mais plus stable, avec un vrai cadre.
Bien choisir son HAD : ce qui change tout
Toutes les structures HAD ne se ressemblent pas. Certaines sont publiques (attachées à un hôpital), d’autres privées associatives ou commerciales. Ce qui fait la différence, c’est l’organisation :
- Combien de patients par IDE par jour ?
- Quelle logistique matérielle (stock, livraison, dépannage) ?
- Quelle équipe pluridisciplinaire derrière (médecin, diététicien, kiné, assistante sociale) ?
Un bon service d’HAD, c’est celui où vous ne vous sentez pas seul, même sur la route.
Avenir du métier : HAD en pleine croissance
Avec le vieillissement de la population et la volonté de désengorger les hôpitaux, l’HAD est en plein essor. Les soins techniques à domicile se multiplient, et le rôle de l’infirmier HAD devient central.
Dans les prochaines années, il y aura encore plus de postes, de protocoles innovants, et d’outils numériques (télé-suivi, dossiers partagés en temps réel). C’est un métier d’avenir, qui combine la technicité hospitalière avec l’humanité du domicile.
Conclusion : l’hôpital sans murs
Être infirmier HAD, c’est soigner avec les compétences d’un hospitalier, mais dans le cadre intime des domiciles. C’est affronter la complexité technique tout en gérant la fragilité humaine. C’est jongler entre rigueur et adaptation.
Vous n’avez pas d’uniforme immaculé, mais un sac à dos plein de matériel. Pas de service derrière vous, mais une équipe à distance qui compte sur vous. Pas de couloir bondé, mais une famille qui vous attend avec espoir.
Invisible ? Pas vraiment. Essentiel ? Plus que jamais.
FAQ Infirmier HAD
Infirmier HAD vs PSAD : quelle différence ?
Le PSAD installe et sécurise le matériel, mais ne fait pas les soins. L’HAD réalise directement les soins techniques.
Le lien avec l’IDE libéral et le médecin traitant ?
Indispensable : l’IDE libéral peut assurer certains soins courants, le médecin traitant supervise, l’HAD coordonne et prend la responsabilité.
Est-ce que l’infirmier HAD fait systématiquement les soins ?
Non : il réalise les soins techniques complexes, mais peut déléguer des actes simples à l’IDE libéral, tout en gardant la supervision.
Quel salaire en HAD ?
Entre 2 000 et 2 600 € net par mois, selon expérience et région, plus indemnités de déplacement.
Pourquoi ce métier est-il essentiel ?
Parce qu’il permet aux patients de bénéficier de soins lourds à domicile, sans réhospitalisation, dans un cadre plus humain.